"On a souvent besoin d'un plus petit que soi."
L'occasion de revenir sur cette phrase – et non pas la morale qui, elle aussi, a traversé les siècles - tirée d'une fable de Jean de la Fontaine qui s'intitule "Le lion et le rat" et que je vous livre dans son intégralité.
Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un lion
Un rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un lion d'un rat eût affaire ?
Cependant il avint qu'au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
"Le lion et le rat" n'est certes pas la plus connue des fables de la Fontaine mais elle fait référence à un autre texte bien plus obscure ("De cette vérité deux fables feront foi") dont le titre est "La Colombe et la Fourmi" que je vous propose de découvrir dans la foulée :
L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits.
Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe,
Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe.
Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité :
Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive.
Elle se sauve ; et là-dessus
Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.
Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète.
Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête,
La Fourmi le pique au talon.
Le Vilain retourne la tête :
La Colombe l'entend, part, et tire de long.
Le soupé du Croquant avec elle s'envole :
Point de Pigeon pour une obole.
Vous le savez sans doute, sans nullement lui retirer son talent ni mettre en doute le courage dont il a fait preuve en critiquant le roi Louis XIV et la société de son siècle, La Fontaine est un plagieur car la plupart de ces fables avaient été écrites bien des siècles plus tôt par le grec Esope.
Découvrons au hasard… "Le lion et le rat reconnaissant" :
Un lion dormait ; un rat s'en vint trottiner sur son corps. Le lion, se réveillant, le saisit, et il allait le manger, quand le rat le pria de le relâcher, promettant, s'il lui laissait la vie, de le payer de retour. Le lion se mit à rire et le laissa aller. Or n'arriva que peu de temps après il dut son salut à la reconnaissance du rat. Des chasseurs en effet le prirent et l'attachèrent à un arbre avec une corde. Alors le rat l'entendant gémir accourut, rongea la corde et le délivra. « Naguère, dit-il, tu t'es moqué de moi, parce que tu n'attendais pas de retour de ma part ; sache maintenant que chez les rats aussi on trouve de la reconnaissance. »
Cette fable montre que dans les changements de fortune les gens les plus puissants ont besoin des faibles.
Etonnant, non ?
Pour terminer, je vous propose de découvrir – en cliquant sur ce lien – quelques pastiches de la fable "Le lion et le rat", et profitez en pour visiter ce sympathique site consacré à M. de La Fontaine.