Paradoxalement, les animaux domestiques quant à eux s'appelaient "Le chien", "Le chat" ou "Fous le camp". Ben – un prénom qui lui avait valu bon nombre de jeux de mots dont il se demandait si le plus dégradant était "Ben à ordure" ou "Ben Laden" – était un spécialiste des champignons, des vrais, de ceux qu'on mange en salade ou à la grecque, pas de ceux jolis qui blessent, qui font planer ou qui tuent. Il en transportait depuis qu'il avait été recueilli en deuxième main par son chauffeur qui, comme les animaux, n'avait pas de prénom.
Ils se connaissaient depuis si longtemps que les errances éthyliques de l'un n'empêchait pas l'autre de toujours retrouver le chemin de la clairière. Et puis un jour, le conducteur changea. Ben se sentit trahi, abandonné. Celui avec qui il avait connu tant de kilomètres ne voulait plus de lui. Etait-il ce qu'il n'avait jamais voulu être, un poids trop lourd pour le vieux conducteur ?
Ben dépérit, ses roues flageolaient, son moteur toussait et ses phares devenaient humides à chaque fois qu'il se remémorait les virées d'antan. Comme de toute sa vie de camion, il ne s'était jamais mal conduit, il décida que c'était la fin de la route. Il trouva le bas côté séduisant et s'abima hors du bitume. Chacun sa route, chacun son chemin. Ben finit dans le ruisseau.
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